Intentions de prières à sainte Lucie

Demain 13 décembre sera le jour de la sainte Lucie, longtemps vénérée à l’abbaye Saint-Vincent et qui valut à son église d’être élevée au rang de basilique mineure en 1933.

Parmi les 100 à 150 visiteurs qu’accueille la basilique chaque samedi après-midi, il n’est pas rare d’en voir certains se diriger directement vers la chapelle de sainte Lucie dans l’absidiole nord pour lui recommander un de leurs proches.

Ainsi de cette charmante vieille dame de Queuleu, dont la maman se prénommait Lucie, et qui nous parla un jour d’une légende de Marseille sur un coquillage appelé « Oeil de sainte Lucie ». Et comme elle ne se rappelait plus exactement des détails, elle est revenue la semaine d’après avec toutes les explications écrites de sa main !…

OeilSteLucie

Que cela soit donc l’occasion de confier cette vieille dame à la bienveillance de sainte Lucie, ainsi que tous les visiteurs de la basilique, occasionnels ou réguliers : tous les anciens de la paroisse qui se souviennent avec émotion des abbés Blanchebarbe et Crompin qui les ont durablement marqués ; parmi eux, les hommes évoquent souvent avec des yeux pétillants de malice leurs explorations de gamins dans les tribunes et les tours de la basilique, ou leurs courses dans les allées avec génuflexion et signe de croix express devant le choeur ; tous ceux qui sortent de l’hôpital Belle-Isle et qui brûlent un cierge pour eux-mêmes ou un de leurs proches ; ces grand-parents qui apprennent le signe de croix à leurs petits-enfants dans l’eau du bénitier ; ce jeune père qui fait une leçon de catéchisme à sa petite fille devant les différentes stations du chemin de croix ; Thibaud et son papa, et aussi une jolie maman avec ses deux enfants qui viennent régulièrement brûler un cierge ; cet Allemand, entonnant a capella de sa voix chaude un beau chant doux, sorte de grégorien moderne – un chant pour la paix ; ces touristes américains qui nous disent à quel point nous avons de la chance d’avoir de tels monuments ; cet aumonier de prison de l’île de la Réunion, à la foi si forte ; Laurent, bien sûr, qui vient souvent nous raconter ses galères et ses rêves, et qui est volontaire pour être servant de messe quand le culte renaîtra à Saint-Vincent ; ce père de famille martiniquais, qui trouve les messes d’ici bien ternes, et qui évoque pour nous donner de l’espoir l’Eternel qui ne détruit pas Sodome parce qu’il y trouve dix justes… Et tous les autres qui ne sont pas cités ici…

Que sainte Lucie aide également nos prêtres à VOIR que ce n’est pas en appliquant de mauvaises solutions à de vrais problèmes que leurs églises se rempliront à nouveau…

Pèlerinage à sainte Lucie

13 décembre
En l’église Saint-Vincent
 
Dans les couloirs obscurs, jadis, aux catacombes,
Le prêtre célébrait les mystères sacrés,
Au milieu du silence et du secret des tombes,
Sur les corps recueillis des martyrs torturés.
 
Mais toi, dans la chapelle aux colonnes sans nombre
Qu’unit dans les hauteurs le dôme des arceaux,
Au centre du pourtour d’arcades pleines d’ombre,
Au-dessous des clartés pieuses des vitraux,
 
Dans le calme imposant de la mystique enceinte,
A l’abri de l’autel qui protège ton corps,
Sous la blanche tunique, ô vierge, ô jeune sainte,
Et le péplum sanglant, ô martyre, tu dors !
 
Ton visage extatique, en la cire vivante,
Semble encore sourire à l’immortalité,
Comme à l’heure où ton âme, ignorant l’épouvante,
Des atroces bourreaux bravait la cruauté.
 
Nous n’avons pas chez nous autour de tes reliques
Ciselé seulement un reliquaire d’or :
Mais une royauté parmi les basiliques
Garde jalousement le précieux trésor ;
 
Et les temples fameux dont la gloire s’élève
Sur ton lointain pays que l’histoire a sacré,
Dans l’espace argenté d’un horizon de rêve
Et la splendeur d’azur d’un firmament nacré,
 
Temples en Taormine, Agrigente, Ségeste,
Que caresse et colore un magique soleil,
Ne pourraient, s’ils voulaient glorifier ton geste,
T’offrir, malgré leur nombre, habitacle pareil.
 
Quand les voix, s’y mêlant aux orgues triomphales
Dans l’antienne latine au poème si beau,
Font résonner ton nom sous les nefs ogivales,
Tes ossements bénis tressaillent au tombeau.
 
Mais chaque jour, de l’aube au soir, du soir à l’aube,
Ton beau nom, par delà tout hommage mortel,
Est cité par l’Eglise, en quelque point du globe,
Devant le sang du Christ répandu sur l’autel.
 
Or, quoique Syracuse en ta clarté divine
Se mire, en proclamant qu’elle fut ton berceau,
N’es-tu pas désormais une vierge messine ?
Lucie, ô frêle enfant plus fière qu’un lionceau !
 
Si ta patrie, en la mer bleue, est une reine,
Si le nom de ta ville a la douceur du miel,
Si ton lointain regard, en la terre Lorraine,
Ne retrouve jamais la splendeur de ton ciel,
 
Oh ! bannis le regret ! Metz t’aime, et pour le dire,
Elle cherche des mots uniques de douceur ;
Nous aussi, comme un jour, Agathe, la martyre,
Emus, nous t’appelons : « Lucie, notre soeur ! »
 
Puis, quand notre soleil, qui descend grandiose,
Luit sur ton reliquaire immense et sans rival,
Le rayonnement d’or d’un éclair triomphal
Resplendit sur ton front, comme une apothéose !
 
Ernest François
L’Âme de Lorraine
1920
 
 

Auguste Hussenot, peintre de l’Ecole de Metz

Après Laurent-Charles Maréchal (sur lequel nous reviendrons), évoquons la figure d’un autre peintre qui a participé au renouveau de la basilique (alors église paroissiale) Saint-Vincent au XIXe siècle : Auguste Hussenot, à qui l’on doit les décorations murales de la chapelle de sainte Lucie dans l’absidiole nord, ainsi que, en face, la toile à l’arrière de la statue de saint Antoine de Padoue.

Né en 1799 à Courcelle-sur-Blaise (Haute-Marne), sa « famille s’établit à Metz en 1810. Son père était manufacturier d’indiennes et voulut fonder à Metz un atelier de teinture pour draps militaires, mais il échoua et devint graveur sur bois et fit apprendre à son fils le métier de ferblantier. Parallèlement, celui-ci suivait les cours de l’école de dessin de la ville. Il y obtint une bourse pour aller étudier à l’Ecole des beaux-arts de Paris (1823). Il travailla dans l’atelier de Gros.

De retour à Metz, il fonda avec son ami Migette un cours de peinture et un atelier de décoration. Puis il devint conservateur du musée de Metz (1832-1885). Il exposa aux salons de Paris de 1840 à 1852 et obtint une médaille d’or en 1846. Il peignait surtout des portraits (dont celui de son ami Migette). » (1)

« En 1842, Hussenot met au point son procédé de « peinture en feuilles ». Il s’agit de feuillets peints à l’atelier, souples comme la peau d’un gant, pouvant être par la suite appliqués sur de grandes surfaces. De vastes décorations murales sont ainsi réalisées à distance, et l’invention recueille un certain succès. A Metz, l’artiste travaille pour les églises de Notre-Dame, Saint-Vincent, Saint-Maximin, Saint-Simon. Il pose un plafond au couvent du Sacré-Coeur à Kienzheim, près de Colmar. Son fils Joseph, initié au procédé, exécute en 1853 pour l’église Saint-André de Lille une composition de 25 mètres de longueur : L’extase des Saints devant la Trinité. L’Illustration reproduit la scène et consacre au jeune artiste un article élogieux. Pour cette découverte, Auguste Hussenot reçoit en 1845 une médaille d’argent de la Société d’encouragement pour l’industrie nationale ; il est également récompensé, à l’Exposition universelle de 1855, par une médaille de première classe. » (2)

Il meurt à Metz en 1885.

Sources :

(1) Hommes et femmes célèbres de Moselle, Jocelyne Barthel, éditions Bonneton, 1995

(2) L’Ecole de Metz 1834-1870, Christine Peltre, éditions Serpenoise / Presses Universitaires de Nancy, 1988

Sainte Lucie

La lumière étant partiellement présente dans la basilique aujourd’hui pour la marche Metz illuminée, anticipons de deux jours la Sainte-Lucie qui a eu tant d’importance dans l’histoire de l’abbaye Saint-Vincent. Ce culte des reliques, qui nous semble aujourd’hui si peu ragoûtant, voire morbide, a longtemps été considéré comme la richesse des pauvres, un bien plus important que l’or et les pierres précieuses qui les entouraient (source : « Saint-Denis, un prêtre raconte sa cathédrale » par le père Bernard-Jean Berger et Serge Santos, Les éditions de l’atelier).

« Lucie [morte entre 304 et 310, Syracuse (Sicile)] est élevée par sa mère Eutychie dans la foi chrétienne et la dévotion à la martyre sainte Agathe. Selon la légende, Lucie emmène sa mère, malade depuis plusieurs années, sur le tombeau de sainte Agathe pour obtenir sa guérison. Elle entend la sainte lui dire : « Pourquoi viens-tu me demander ce que tu pourras bientôt accorder toi-même à ta mère ? » Sa mère repart guérie. Rentrées chez elles, elles distribuent leurs richesses aux pauvres.

En 304 commence la persécution de Doclétien. Lucie est dénoncée au consul Pascasius par un amoureux éconduit. Rendu furieux par le courage de la jeune fille qui lui tient tête, le consul veut la faire conduire dans un lieu de débauche. Mais miraculeusement, quand on doit la transporter, son corps devient si lourd qu’il est impossible de la déplacer. Il ordonne qu’elle soit brûlée. Comme les flammes l’entourent sans lui faire de mal, Lucie est finalement tuée d’un coup d’épée.

La tradition rapporte que Lucie portait des vivres aux chrétiens qui se cachaient. Pour avoir les mains libres, elle posait une bougie sur sa tête. En Suède et dans les pays nordiques, les célébrations de la sainte Lucie commencent la veille : les enfants cuisent des petits pains et des biscuits au gingembre en forme d’étoiles. Le 13 au matin, la plus jeunes des filles de la maison revêt une robe blanche et une ceinture rouge. Portant une couronne de feuillages garnie de bougies, elle apporte le petit déjeuner au lit au reste de la famille.

Au Danemark, on s’éclaire à la bougie durant la nuit du 13 décembre, renonçant à toute lumière électrique. En Hongrie, sainte Lucie ayant sauvé Syracuse d’une famine, cette fête est le jour de la bénédiction des moissons. Passant de maison en maison, les enfants étendent de la paille sur le seuil et prient à genoux pour chaque famille.

Lucie, témoin de la lumière du Christ, tu nous invites à répandre cette lumière qui nous habite : « On n’allume pas une lampe pour la mettre sous le boisseau, mais bien sur le lampadaire, où elle brille pour tous ceux qui sont dans la maison. Ainsi votre lumière doit-elle briller devant les hommes. » (Mt 5, 15-16) »

Source : « Le grand livre des saints« , Odile Haumonté, Presses de la Renaisance 2010 ; petit clin d’oeil, la couverture de ce livre reproduit le Couronnement de la Vierge de Fra Angelico, dont la version en vitrail, par l’atelier de Laurent-Charles Maréchal, se trouve dans le transept sud de la basilique Saint-Vincent.

1582 : le saut de puce à rebours de sainte Lucie dans le cours des saisons

« A la sainte Luce (ou Lucie), les jours s’avancent du saut d’une puce« , dit le dicton populaire. Fêtée le 13 décembre, ce sont pourtant aujourd’hui les nuits qui continuent d’avancer de quelques sauts de puce ! Ce dicton disait pourtant vrai jusqu’en 1582, puisque dans l’ancien calendrier julien qui eut cours jusqu’à cette année, le 13 décembre était situé après le solstice d’hiver.

Le site PERSEE du ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation, publie en ligne « Noël le 15 décembre, la réception du calendrier grégorien en France (1582) » de Jérôme Delatour (Bibliothèque de l’école des chartes, 1999).

Le résumé qui va suivre en sera forcément partial, puisqu’il évoquera principalement le calendrier liturgique, et bien sûr sainte Lucie. Pour connaître tous les tenants, aboutissants et rebondissements de ce changement, il convient de lire le document en ligne en entier.

« L’année julienne, instaurée par César en 45 av. J.C., était de 365 jours un quart. Elle excédait l’année astronomique, qui correspond au temps que met le soleil pour opérer sa révolution, de 11 minutes 14 secondes environ. Dans l’immédiat, l’erreur parut négligeable ; mais un siècle plus tard, elle atteignait déjà 18 heures 40, soit près d’un jour. Peu à peu, le retard du calendrier sur le cours réel du soleil entraîna un désaccord entre les mois et les saisons. A la fin du XVIe siècle, ce décalage atteignait treize jours. Il dérangeait la plus importante des fêtes chrétiennes, Pâques, sur laquelle toutes les fêtes mobiles sont réglées. »

Le pape Grégoire XIII était le seul à même de mener à bien cette réforme, bien que son autorité soit contestée dans de nombreux pays. La bulle Inter gravissimas du 24 février 1582 « supprimait, par rapport au calendrier julien, trois bissextiles tous les quatre cents ans, à savoir les années centenaires non multiples de 400 (1700, 1800 et 1900 par exemple). Par ailleurs, pour rattraper d’un coup le retard accumulé sur l’année solaire depuis le concile de Nicée [325], on sauterait dix jours dans le calendrier. Ce saut était prévu pour le jour suivant le 4 octobre 1582. Ce jour, qu’on aurait dû compter le 5, serait compté le 15 octobre. Enfin, la bulle rénovait le calcul du cycle de la lune, sur lequel la date de Pâques est réglée. Celui-ci n’utiliserait plus le nombre d’or, fondé sur une observation inexacte du cycle lunaire, mais le système des épactes. »

Le nonce en France, Giovanni Battista Castelli, reçut ce nouveau calendrier de Rome le 19 ou le 20 juin 1582. Il en fit parvenir un exemplaire au roi Henri III, qui lui fit savoir qu’il le recevait favorablement. Privilège d’impression à un imprimeur unique mais peu pressé et délai des courriers entre Paris et Rome (40 jours aller/retour) font que la France ne peut mettre en place le nouveau calendrier au 5/15 octobre 1582 comme prévu. Il est donc décidé d’attendre un an pour opérer cette réforme, puis la date est ramenée à début 1583. Mais le roi de France et son Conseil décident finalement de la mettre en place fin 1582, pour ne pas fêter Noël un autre jour qu’à Rome.

« Un jour ne pouvait être en aucun cas supprimé, c’était la Saint-Martin d’hiver. Le 11 novembre, date traditionnelle de renouvellement des contrats et de paiement des termes, marquait aussi la fin des vacances du Parlement. Le supprimer eût engendré la confusion et des procès sans fin. Il était trop tard pour opérer le changement avant la Saint-Martin. Quant aux jours qui la suivaient, ils étaient trop proches de la décision du Conseil ; jamais celle-ci ne parviendrait à temps aux extrêmités du royaume. Le 25 novembre était le jour de la sainte Catherine, auquel « tout prend racine ». Le 30 était la Saint-André, fête rubriquée, comme une fête importante, dans tous les calendriers. Si l’on instituait le nouveau calendrier juste après le 30 novembre, on supprimait la Saint-Nicolas (6 décembre). Or la Saint-Nicolas était non seulement une grande fête, mais de surcroît la fête d’innombrables communautés, et non des moindres : marchands de vin, maîtres jurés vendeurs de vin sur l’eau, maîtres tondeurs de draps, pêcheurs d’engins, huiliers, chandeliers, porteurs de charbon, bateliers et autres marchands et « mécaniques »… Saint-Nicolas était encore le patron de la confrérie des avocats, procureurs, greffiers, clercs, solliciteurs du Palais, comme des notaires du Châtelet et des procureurs de la Chambre des comptes.

Après le 6 décembre venait enfin la période de calme. Il y avait encore la Conception Notre-Dame le 8 décembre, puis plus rien d’important jusqu’à la Saint-Thomas, le 21. En sautant du 9 au 20, on supprimerait dix jours : ainsi fut décidé. De cette façon, seuls trois saints secondaires se trouvèrent lésés. Les deux premiers, les papes Miltiade (10 décembre) et Damase (11 décembre) n’avaient point de culte en France. Restait sainte Luce, fêtée le 13 décembre, qui était davantage aimée des fidèles. [C’est en France que la sainte était le plus vénérée après l’Italie. Ses principales reliques se trouvaient à Metz.] Elle fut la vraie perdante de la réforme. »

Un certain nombre d’ouvrages furent publiés dans un but d’explication et de vulgarisation du nouveau calendrier. La réforme ne fut cependant pas acceptée sans grincements de dents et récriminations. De nombreux contrats étant réglés sur les fêtes liturgiques, il fallut bien préciser que les échéances seraient prolongées de dix jours.

« Enfin, les saisons étant décalées de dix jours, beaucoup d’adages se trouvèrent faussés et les saisons « dessaisonnées », comme l’écrivait Tabourot des Accords :

« Les observations anciennes des laboureurs estoient rendues inutiles et ne sçavoient plus les bons mesnagers sur quoy se fonder, puisque leurs vers et memoire locale estoit entièrement ruinee par ce moyen, et que pour s’en ressouvenir il estoit necessaire d’adjouster les dix jours retranchez, chose a la verite trop penible et qui seroit cause, pour sa difficulté, de la faire plustost oublier que pratiquer a l’advenir. »

 

C’est pour cette raison que le sieur des Accords se mit en besogne de récrire ou d’adapter les anciens proverbes. On avait accoutumé de dire, par exemple, que

« Le soleil croist a Saincte Luce,
Autant que le saut d’une puce.
Et recognoist on a l’An neuf,
Qu’il est creux du repas d’un boeuf. »
 

ce que les Amiénois disaient :

« A la Sainte Luche
Les jours s’avanc’tent du saut d’une puche.
A l’Saint Thomas
Du pas d’un qu’va. »
 

Mais l’an 1582 fut un double malheur pour sainte Luce. Non seulement sa fête, le 13 décembre, fut supprimée cette année-là, mais le saut des dix jours relégua la Sainte-Luce avant le solstice d’hiver, dans la période où les jours décroissent encore. Tabourot proposa de remplacer le vieux proverbe par celui-ci :

« Le soleil, la veille
De Noël, s’esveille :
A la Sainct Antoine [17 janvier],
Du repas d’un moine. »
 

Ainsi Luce fit-elle les frais du calendrier grégorien. Heureusement pour la sainte, le goût de l’étymologie, qui l’associe à la lumière, fait que sa fête continue, aujourd’hui encore, à susciter des illuminations. »

Ce texte ne nous raconte malheureusement pas comment cet affront à sainte Lucie fut accueilli par les moines de l’abbaye Saint-Vincent et par les pélerins en route vers ses reliques cette année-là. Gageons cependant qu’ils n’en furent pas ravis !

Les monuments de Metz en 1920 sur le site de l’université de Toronto

Cela fait partie des bonnes surprises d’Internet : le compte-rendu de la session tenue en 1920 à Metz, Strasbourg et Colmar par la Société française d’archéologie se trouve en ligne sur le site de l’université de Toronto en format numérisé. Il y a été téléchargé 1.126 fois !

L’histoire de tous les monuments de Metz y est bien détaillée, et l’on y retrouve bien sûr notre Saint-Vincent (encore qualifiée d’église, puisque cet ouvrage est paru avant son élévation au rang de basilique en 1933) de la page 56 à la page 61.

En voici un tout petit extrait qui servira de préambule aux prochains articles de ce blog :

« Saint-Vincent n’a conservé aucune pièce de son ancien mobilier, excepté la jolie tribune d’orgue en pierre sculptée de style Louis XV, au revers de la façade. L’orgue a été installé en 1900. Les vitraux actuels sont tous modernes. Ceux du moyen âge furent détruits successivement par des ouragans ou des incendies. En 1872, la chapelle Sainte-Lucie, lieu de pèlerinage très fréquenté, a été revêtue de peintures dues à l’artiste messin Hussenot. On y conserve, dans une effigie en cire, les reliques de la sainte, rapportées d’Italie au Xe siècle par l’évêque Thierry Ier« .

Les reliques de Lucie ne sont plus dans la basilique aujourd’hui, mais nous reparlerons d’elle dans les jours qui vont venir puisqu’elle est fêtée le 13 décembre.

« Acta Sanctae Luciae » par Sigebert de Gembloux

Le rayonnement de l’abbaye Saint-Vincent de Metz semble encore très important dans l’Allemagne d’aujourd’hui. Ainsi de cet ouvrage paru en 2008 aux éditions Winter de l’Université de Heidelberg (Universitätsverlag Winter, Heidelberg) : la présentation et la traduction par Tino Licht de « Acta Sanctae Luciae » que Sigebert de Gembloux a écrit à l’abbaye Saint-Vincent entre 1048 et 1056.

Sigebert resta vingt-cinq ans à l’abbaye dont il devint écolâtre. Son influence dépassait d’ailleurs largement Metz puisqu’il n’hésita pas à s’opposer au pape de l’époque. Il écrivit la vie de nombreux Saints ; celle de Sainte Lucie ne pouvait que l’inspirer, puisque ses reliques y étaient présentes et vénérées.

Mais laissons plutôt parler un spécialiste : présentation de cet ouvrage ici en français.

4ème de couverture

La façade de Saint-Vincent dans tous ses états

Telle qu’elle apparaît aujourd’hui, la basilique Saint-Vincent cache une nef et un choeur gothiques derrière une façade classique… Il est évident qu’il n’en a pas toujours été ainsi…

Tous les Messins connaissent les deux tours de la basilique Saint-Vincent que l’on voit fièrement apparaître au-dessus du théâtre, depuis le pont des Morts, de l’autoroute A31 ou d’ailleurs…

Ces deux tours sont plus ou moins d’origine, mais l’édifice dont la construction a débuté en 1248 présentait une troisième tour-clocher, que l’on peut voir encore sur la gravure de Claude Chastillon datée de 1610.

Peut-être y a-t-il eu un projet de portail gothique qui n’a jamais vu le jour, et qui fait que l’église abbatiale pouvait être considérée comme non terminée.

Dès la fin du XVIIe siècle et jusqu’au milieu du XVIIIe, la tour-clocher subit un certain nombre d’avanies qui nécessitèrent sa destruction.

Deux nouvelles travées furent ajoutées à la nef gothique, dans le parfait respect de celle-ci, afin de présenter des « proportions classiques ».

La nouvelle façade de l’architecte Jean Antoine, et fortement inspirée de celle de l’église Saint-Gervais de Paris (à l’arrière de l’hôtel de ville), est achevée en 1776. Faute de moyens et de temps (puisque la révolution ne va pas tarder à arriver), elle apparaît encore relativement nue.

 

Ce n’est qu’au tout début du XXe siècle que seront installés les statues de Saint Vincent et de Sainte Lucie et les bas-reliefs de leurs martyrs respectifs, tels qu’on peut les contempler encore aujourd’hui.

 

Saint Vincent

Sainte Lucie

Source des informations et de la gravure de Claude Chastillon : « Saint-Vincent au rythme du temps » de Marie-Antoinette Kuhn-Mutter, Editions Serpenoise, en vente à l’entrée de la basilique.

Source de la façade sans statue : « Recueil de vues de Metz et des environs, édité par la lithographie de Verronnais (avant 1850) », J.-S. Zalc, Editeur.