L’entrée de Charles Quint à Metz

« Le matin du 10 janvier 1541, l’amant Claude Blanchair, maire de Porte Moselle, quitte la ville, sortant par la porte du pont des morts, celle que doit emprunter l’empereur, « bien honnêtement monté et accoutré », avec un coffre de cuir contenant les clés de la ville. Il est acompagné d’une troupe nombreuse de vingt-cinq ou vingt-six hommes, composée de soldats et de plusieurs personnages notables, tous amants : Jacquemin Travault, Didier de Hamonville, Jean Blanchair, François Kerkin, Mathieu de Mondelange et François Travault. Tous ces hommes prennent la route de Maisières et se rendent au pont de Richemont, où ils attendent l’empereur. Devant celui-ci, Jean Felix et le maire de Porte Moselle mettent pied à terre, font trois révérences et présentent les clés, l’orateur prenant la parole dans un style où l’éloge est poussé à l’extrême : « Très sacré et toujours auguste empereur, vos très humbles et très obéissants sujets et serviteurs Messieurs les gouverneurs de votre impériale cité de Metz, désirant entièrement faire leur loyal devoir envers votre très sacrée Majesté, et même dûment farder et accomplir les droits qui en icelle cité vous appartiennent, par lesquels est, entre autre chose, expressément dit que, toutes et quantes fois qu’il plaît à votre Majesté venir en la dite cité, ils vous doivent envoyer les clés de ladite ville, environ trois lieux, de quelque part que vous veniez, et par le maire de Porte Moselle, ils vous les envoie par le dit maire ici présent, lequel très humblement vous les présente, pour, par votre Majesté, en être fait et ordonné à votre bon plaisir. » Le maire sort alors les clés du coffre, les baise et les présente à l’empereur qui ne les garde pas pendant sa visite, mais les rend aussitôt à la ville. (…) »

Extrait de Les Institutions de la République Messine, Florent Roemer, Editions Serpenoise

CharlesQuint

On reconnaît le Moyen-Pont au premier plan, et plus loin, la silhouette de l’église abbatiale Saint-Vincent, avec encore sa troisième tour-clocher, disparue dans la première moitié du XVIIIe siècle.

Pour un obscurantisme, contre les lumières

Par Jean Dùma pour Itinerarium :

« Finalement, j’aime l’obscurité. J’aime imaginer ce que devaient être nos églises sans leur flot de néons et de lumières impitoyables. Car les nefs claires et les bas-cotés lumineux ont été conçues unplugged, sans artifice électrique, sans mensonge photonique. Et ces ombres changeantes, ces recoins on l’on pleure et l’on se cache, ressemblent plus aux tourments de mon âme que les places nettes et les rangées de bancs claires.

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Ainsi, dans la métaphore de la clarté et de l’ombre, il me semble que le discours moderne sur l’homme a perdu cette intimité d’avec le jeu des mouvances et des tourments intimes, pour s’acoquiner avec le discours tranché et extérieur des Lumières. Et ce mensonge de la modernité touche autant certains dans l’Eglise que beaucoup dans le monde. En niant la vérité des tréfonds, ses mouvances et ses élans vers à la fois le sublime et l’incarnation, vers le plus beau et pire, en y plaquant un modèle aussi subtil qu’un cuirassé prussien dans les eaux de la Baltique, le modèle de l’homme moderne finit par générer un dysfonctionnement général, moral, spirituel, politique, économique.

Simplement, en niant la grâce et la faute, l’économie ôte de son champ la morale, pourtant au coeur d’un développement durable pour les générations futures. En refusant de parler à temps et contretemps de cette même grâce dans les âmes (*) et en refusant de promouvoir le libérateur sacrement de réconciliation et pénitence, certains dans l’Eglise refusent la réconciliation de l’irréconciliable humanité avec son Dieu d’amour. En refusant d’admettre les flux de la conscience , la politique encadre la morale dans un champ législatif inflationniste, parfaitement inhumain.

Bref, j’aime l’obscurité des églises déconnectées, car elles reflètent mon âme plus qu’un hall de gare électrifié.

(*) depuis combien de temps a-t-on parlé en chaire de l’âme ? Dans ma cathédrale briochine, jamais entendu…

Et qu’on me pardonne ce titre racoleur… »

Metz vers la fin des années 1940

Carte postale qui doit dater de la fin des années 1940 : le temple de garnison y est encore à peu près entier (la toiture a brûlé en 1946, et la nef et le choeur ont été dynamités en 1952), le Moyen-Pont n’a pas encore été reconstruit après la destruction de trois arches par les Allemands en novembre 1944, et à l’arrière de la basilique Saint-Vincent se trouve un bâtiment de trois étages qui appartenait au lycée Fabert et qui était tellement vétuste que les salles de classe étaient soutenues par des étais (souvenirs d’un ancien élève)… Petite liste bien sûr non exhaustive de tous les changements qui sont intervenus dans la ville depuis plus de soixante ans…

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Prier au coeur des villes

Le père Pierre-Marie Delfieux, fondateur des Fraternités monastiques de Jérusalem, est retourné à Dieu ce 21 février 2013.

Après deux années passées au désert à Tamanrasset, le père Pierre-Marie a eu l’intuition que nos villes étaient de bien plus grands déserts spirituels que les étendues de pierre et de sable les plus arides. Il a fondé les Fraternités monastiques de Jérusalem en 1975 afin de « prier au coeur des villes », et a investi pour cela l’église Saint-Gervais-Saint-Protais (la cousine parisienne de la basilique Saint-Vincent) alors quasiment à l’abandon.

Depuis, les Fraternités ont essaimé à Vézelay, au Mont-Saint-Michel, à Strasbourg, à Bruxelles, à Cologne, à Montréal, à Florence, à Rome, à Varsovie, et les laudes et l’office du milieu du jour à l’église Saint-Gervais sont retransmis en direct sur KTO TV.

Les membres du conseil presbytéral de M. Raffin seraient bien inspirés d’aller à Paris assister en semaine aux vêpres de 18h et à la messe de 18h30, et voir ainsi cette église pleine de gens sortant du travail, de tous âges et de toutes classes sociales.

Entourée de deux lycées, d’un hôpital, d’un campus universitaire, d’une auberge de jeunesse, d’une MJC, du conseil général, du conseil régional, de la préfecture, d’une piscine, d’un commissariat de police, d’une caserne de CRS, d’une caserne de hussards, de l’UEM, et bien sûr de nombreux logements, comment ne pas imaginer la basilique Saint-Vincent pleine également sous l’égide d’un prêtre motivé ou d’une communauté dynamique ?

L’Eglise catholique qui est à Metz sait-elle que l’insécurité grandit dans ce quartier ? Vient-elle de temps en temps voir les messages laissés par les lycéens sur les portes de la basilique ?

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A quoi pourra donc bien servir à ces jeunes gens un énième lieu de culture à usage profane digne ?

Puisse l’oeuvre du père Pierre-Marie continuer à essaimer et à inspirer prêtres et religieux dans toute la France, et tout particulièrement dans le diocèse de Metz.

 

Addendum 6 mars 2013 : extrait d’un article publié par France Catholique et traduit de The Catholic Thing :

« Le  Frère Pierre-Marie Delfieux, fondateur des Fraternités de Jérusalem — mouvement de renouveau particulièrement vivant, centré à l’église Saint-Gervais/Saint-Protais à Paris avec des antennes en expansion en Europe et au Canada — nous a quittés, et a été inhumé pratiquement sans couverture médiatique. La messe célébrée à Notre-Dame à Paris a rassemblé une foule immense, avec de nombreux jeunes collégiens et lycéens. Des centaines de prêtres, et une douzaine d’évêques participèrent à une magnifique et émouvante célébration — un aspect attachant typique de la Fraternité.

Je n’ai entendu parler de cet événement que grâce à un ami qui, m’ayant fait connaître Saint-Gervais voici quelques années, a pensé avec raison que j’apprécierais l’information. Dans le tohu-bohu déclenché par la renonciation du Pape et les spéculations sur son successeur, il ne fallait sans doute pas s’attendre à ce que la presse ait encore une goutte d’énergie à consacrer à une information catholique de tout autre nature — et cependant importante en Europe, et, mieux, dans la France laïque. Et puis, ce n’est pas dans le droit fil des commentaires soigneusement entretenus sur la crise profonde de l’Église.

Emblématique de notre époque est l’oubli de ce qui marche bien, très bien, comme beaucoup de choses au sein de notre Église Catholique, alors que nombre de gens, y compris beaucoup de catholiques, ne s’intéressent qu’à ce qui va de travers. Le scandale est le meilleur marchand de journaux, il en sera toujours ainsi, naturellement. Et pourtant, il y a bien des événements méritant notre attention si on veut une vraie photo du Catholicisme en cet instant de l’histoire de l’Église. (…)

L’Église commet aussi une erreur en essayant trop vigoureusement d’entrer dans le monde. Karl Barth, le plus grand théologien protestant du vingtième siècle, relevait à l’issue du Concile Vatican II (il y était invité mais, malade, ne put y assister) : « Est-on bien certain que le dialogue avec le monde doive passer avant la proclamation vers le monde ? » C’est une invitation à adopter une posture prophétique, pas une pacifique campagne de marketing. Le programme de Vatican II d’engagement social des catholiques, « Gaudium et Spes » en particulier, a frappé Barth comme non seulement exagérément optimiste mais un peu à côté de la plaque quant à la compréhension du monde selon le Nouveau Testament. Il rappelle qu’au cours des siècles le Christianisme s’est souvent heurté au « monde ».

Il nous faudra réfléchir à tout cela, et à bien d’autres vérités qui nous interpellent au cours des jours et semaines à venir. Mais, comme Pierre-Marie Delfieux et la Fraternité qu’il a fondée nous le montrent, il existe des réponses, de bonnes réponses,  aux défis qui nous sont lancés. Elles peuvent venir d’un grand pape réformateur, tel Grégoire VII, ou, peut-être — comme à Cluny et Clairvaux, par la fondation d’ordres, comme les franciscains, les dominicains, les jésuites — jaillir d’élans spirituels que nul ne saurait anticiper — jusqu’à leur venue.

Ça s’est déjà produit dans le passé, et ça se produira certainement à l’avenir. Oremus, prions. »