Profitons de ces fêtes de fin d’année pour évoquer celle à qui la basilique Saint-Vincent est le plus souvent comparée : l’église Saint-Gervais-Saint-Protais de Paris. Facile à trouver, elle est située juste derrière le célèbre hôtel de ville. Par delà la comparaison hâtive entre les deux édifices (intérieur gothique, façade classique), leurs histoires respectives sont pourtant bien différentes.
« Histoire
Saint-Gervais-Saint-Protais est l’un des plus anciens lieux de culte de Paris et l’une des premières églises paroissiales de la rive droite.
Dès le VIe siècle, pour répondre aux besoins d’une population composée essentiellement de bateliers et de pêcheurs, une chapelle est édifiée sous le vocable de deux frères jumeaux, saint Gervais et saint Protais.
Afin d’éviter les désastres des crues de la Seine, le sanctuaire est élevé sur le monticule appelé « monceau Saint-Gervais ». Au XIe siècle et jusqu’au XVe siècle se développe une activité commerciale florissante, en lisière du Marais, donnant naissance à de puissantes confréries de marchands. L’enceinte de Philippe-Auguste, construite entre 1190 et 1209, protège la paroisse des invasions et provoque un afflux de population qui incite les confréries à rebâtir un édifice au début du XIIIe siècle.
Une troisième église, dont l’élévation est attribuée, à ses débuts, à Martin de Chambiges (mort en 1532), est érigée en 1494. Face à la lenteur des travaux due en partie aux guerres de religion et au manque de moyens financiers, l’église n’est finalement achevée qu’en 1657.
A la révolution, l’église est saccagée et devient « temple de la raison et de la jeunesse ». Elle n’est rendue au culte catholique qu’en 1802.
Depuis 1975, l’église est affectée aux Fraternités monastiques de Jérusalem. Les moines et les moniales ont pour mission de vivre « au coeur des villes et au coeur de Dieu ». Ils annoncent l’Evangile du Christ et s’insèrent dans la réalité citadine, tout en s’adonnant à une vie de prière et de silence. « Ce que les premiers moines allaient chercher au désert, tu le trouveras aujourd’hui dans la ville », proclame Le Livre de Vie des Fraternités monastiques de Jérusalem.
Architecture et oeuvres
Elevée en pleine période de la Renaissance, l’église est pourtant de style gothique flamboyant. Cepedant, rien ne le laisse présager en découvrant la façade.
. L’extérieur
L’admirable façade élancée, élevée sur les plans de Salomon de la Brosse (v. 1571-1626), est la première de style classique à Paris. Le jeune Louis XIII (1601-1643) en pose la première pierre en 1616.
La monumentalité des trois ordres antiques se superpose : au rez-de-chaussée, des colonnes doubles et cannelées à chapiteaux doriques, surmontées d’un fronton ; au premier étage, des colonnes ornées de chapiteaux ioniques ; enfin, séparé par une corniche à crossettes très saillante, le dernier étage se compose de colonnes corinthiennes que couronne un fronton curviligne en partie évidé. L’ordonnance, de conception originale pour l’époque, servira de modèle en France et en Europe et préfigure l’arrivée d’un nouveau style : le baroque.
Nichées au second niveau, les statues de saint Gervais (sculptée par Antoine-Auguste Préault (1809-1879)) et de saint Protais (par Antonin Moine (1796-1849)). Au sommet, saint Matthieu et saint Jean l’Evangéliste.
Pour rattacher la façade à la nef gothique, large et élancée, l’architecte ajoute une travée et érige une chapelle en quart de cercle ogival aux extrémités.
Jusqu’en 1854, la façade était masquée par une falaise de maisons, et Voltaire (1694-1778) dira à ce propos : « C’est un chef d’oeuvre auquel il ne manque qu’une place pour contenir ses admirateurs. »
Devant la façade, un orme succède à plusieurs générations d’arbres. Vénérés au Moyen Âge, en Occident, les ormes étaient habituellement plantés devant les églises « vouées aux saints martyrs ». Point de rencontre après la messe, juges et plaideurs y rendaient justice.
Le chevet se distingue par les arcs-boutants dont les culées, couronnées de pinacles et de fleurons, arborent des gargouilles formées d’animaux fantastiques.
. L’intérieur
Chaleureuse, l’église étonne par la verticalité et la pureté de ses lignes. Elle éblouit par l’éclat multicolore et le jeu de lumière mystique procurés par les vitraux. (…)
Les piliers fasciculés de la nef (1600-1620) se composent de colonnettes engagées ; l’une s’élève sans interruption jusqu’à la naissance de la voûte. L’absence de chapiteaux illustre la période de la fin du gothique.
L’influence de la Renaissance s’exhale à travers les arcs en plein cintre des hautes baies abritant des verrières du XVIIe siècle.
La voûte sur croisée d’ogives est composée d’une multitude de nervures capricieuses à liernes et tiercerons symbolisant la voûte céleste. »
Source : « Paris d’église en église« , Aline Dumoulin, Alexandra Ardisson, Jérôme Maingard, Murielle Antonello, éditions Massin 2008
Meilleurs voeux de bonheur et de sérénité pour 2011 !