« Les IXe, Xe et XIe siècles portèrent à son apogée la grandeur épiscopale et Metz connut un intense épanouissement religieux, culturel et économique.
La cité débordait de son enceinte gallo-romaine. Les quartiers ou faubourgs de Porte-Moselle, Outre-Moselle et Porsaillis poursuivaient leur développement. Fuyant l’enceinte de la cité, le faubourg des basiliques s’étendait au sud : toute une série d’églises, de chapelles, d’oratoires purent s’y déployer à l’aise.
Grand centre religieux comme toutes les villes médiévales, Metz comptait une vingtaine de paroisses intra-muros, huit abbayes bénédictines (cinq d’hommes et trois de femmes), des couvents d’ordres mendiants : saint Bernard, lors de son séjour en 1153, fonda le Petit-Clairvaux. L’abbaye de Saint-Vincent, érigée par Thierry 1er en 968, se doublait d’une école célèbre. Non loin des vénérables monastères de Sainte-Glossinde et de Saint-Pierre-aux-Nonnains, Adalbéron II avait installé d’autres religieuses dans l’antique hôpital de Sainte-Marie. Au delà de la Moselle, le monastère de Saint-Martin relevait du duc de Lorraine. Due aux réformes lorraine et clunisienne qui avaient ramené dans les monastères une vie plus intense, cette floraison se poursuivit aux siècles suivants. Les reliques de ces sanctuaires attiraient de nombreux et fréquents pèlerinages. 15 à 20.000 personnes suivaient les processions organisées dans le quartier des basiliques. Les paysans de certains domaines ruraux venaient tous les ans, « portant la croix », vers le chef-lieu du domaine seigneurial.
Renouant avec une tradition qui remontait à l’époque mérovingienne, les établissements religieux relevèrent de leur décadence les écoles dont la renommée débordait le cadre de l’ancienne Lotharingie. D’ailleurs, … si l’on excepte Metz, la région lorraine est alors… une vraie Boétie … (Parisot).
L’école de la cathédrale tenait le premier rang et son maître avait en quelque sorte la direction suprême de l’enseignement à Metz. Les abbayes de Gorze, de Saint-Arnould, de Saint-Martin et surtout de Saint-Vincent entretenaient des écoles dirigées par un écolâtre qui le plus souvent était un chanoine de la cathédrale ou un moine. La majorité des auditeurs était constituée des futurs clercs et des futurs moines auxquels se joignaient des gens qui se destinaient à la bourgeoisie, la plupart des nobles et quelques paysans.
Les plus jeunes élèves apprenaient à lire et à écrire. Ceux qui poursuivaient leurs études recevaient le trivium (grammaire, téthorique, dialectique) et le quadrivium (arithmétique, géométrie, astronomie, musique), un enseignement à la fois secondaire et supérieur qui ne se donnait qu’en latin, enseignement scolastique s’attachant au développement de la mémoire, mais négligeant le jugement et la réflexion. Les Messins qui aspiraient à une science plus complète devaient la demander à l’Université de Paris.
Sigebert de Gembloux, écolâtre de Saint-Vincent, fut une gloire de son temps et … le meilleur chroniqueur universel du Moyen Âge … (Ch. Bruneau). Orignaire du Brabant, où il naquit en 1028, Metz l’attira par la réputation de ses écoles et il y séjourna vingt-cinq ans. L’étendue de ses connaissances lui valut d’être considéré par un de ses contemporains … comme une fontaine de sagesse ouverte à tous … Il composa plusieurs de ses oeuvres à Metz et rédigea notamment l’éloge de la cité en 1072 :
Cité où se dressent des flots de peuple, terre à la fécondité merveilleuse, où coulent le miel et le lait, où la vigne et le blé rivalisent de fertilité, où les marchandises précieuses affluent, où l’or et les pierres surabondent.
Doté d’un certain talent, le poète messin Gautier composa, vers 1245, l’Image du monde, oeuvre encyclopédique – genre que le Moyen Âge aimait – laquelle, sous sa forme primitive, comptait 7.000 vers de huit syllabes, 11.000 dans une nouvelle édition, étude cosmographique, géographique et astronomique qui connut un certain succès puisqu’elle sera encore imprimée au XVIe siècle.
Le clergé dirigeait également les beaux-arts. Le goût des belles miniatures et des belles reliures, éveillé par la renaissance carolingienne, n’était pas encore éteint. Les artistes messins excellaient toujours dans le travail délicat de l’ivoire employé en reliure, ivoire rehaussé d’émaux et de pierres précieuses. »
René Bour, Histoire illustrée de Metz, chez Paul Even, 1950
Déjà publié sur ce blog, sur des sujets équivalents :
« Acta Sanctae Luciae » par Sigebert de Gembloux
Sur l’abbaye Saint-Vincent au XIe siècle
L’Eglise lorraine au Moyen Âge
L’aire d’expansion de la notation messine