Art et religion par le Père Jules Monchanin

IMG_1262_2 copie« Tout art est religieux qui est spirituel. Un désir équivalent à une prière sourd, à l’insu parfois de son auteur, d’une oeuvre qui témoigne au-delà d’elle-même.

L’art d’une religion explicite ce témoignage par les symboles de son mystère.

Le salut du monde par l’Homme-Dieu a trouvé ses symboles dans ce qu’il y a de plus émouvant et de plus universel dans l’homme : le cycle de la vie, naissance, enfance, travaux et peines, maternité, mort apaisée ; le cycle de la création à travers le récit de merveilles de la Bible ; le cycle de la Rédemption, mort et résurrection de Dieu…

L’art chrétien est né et a vécu d’un échange toujours renouvelé entre le christianisme et l’Occident. Il ne sera oecuménique que lorsque toutes les autres civilisations auront elles aussi reçu le mystère du Christ et transformé leurs expériences en ses symboles. »

Père Jules Monchanin, De l’esthétique à la mystique, éditions Casterman, 1955

L’art par le Père Jules Monchanin

« L’art a une triple fonction : Transfiguration du donné, – Expression de soi-même, – Communion entre les hommes.

1. Métamorphose de la matière : transfigurée par sa forme, par son insertion dans l’ensemble et en elle-même (son poil, son grain). Dans l’art chinois, la matière importe autant que la forme, dans l’art grec, la forme prédomine.

2. Rôle de la technique. Pas d’art sans technique. Si l’expression d’une émotion ne se traduit par une technique, il n’y a que velléité d’art, et non réalisation. L’essentiel dans l’art c’est l’émotion (même les artistes les plus abstraits comme Picasso disent ceci), et non pas sentimentalité, mais émotion secrète et profonde qui ramasse certains instants privilégiés toute la vie. Instants d’éternité rendus par Bach, Mozart, Rembrandt, Cézanne, Racine, Proust.

3. Communion dans le silence, non extérieure comme la communion sociale, mais intérieure et qui a comme commune mesure l’admiration. Obtenue par surcroît quand on ne la cherche pas : c’est dans la mesure où l’artiste aura exprimé son émotion la plus intime que se réalisera une communion, tandis que l’art qui se propose comme communion (art édifiant ou prolétarien) la manque généralement, faute de personnalité.

Par l’art, l’homme exhausse et la matière, et la société, et soi-même.

Par l’action et par l’art, on peut sentir ce qu’est une valeur. Ni subjective, ni objective, elle est création qui dépasse, attire et transforme d’abord son propre créateur. »

Père Jules Monchanin, « De l’esthétique à la mystique »; éditions Casterman, 1955