L’intelligentsia et l’Eglise russe en 1983

En hommage au peuple russe et à son Église, extrait de « Nous, convertis d’Union soviétique », de Tatiana Goritcheva, éditions Nouvelle cité, 1983 :

« Voici l’idée que nous nous faisons du génie créateur de la culture chrétienne : les cœurs des hommes, ébranlés par les calamités passées et futures dues à l’athéisme et à la lutte contre le christianisme, commenceront à revenir librement au Christ et à insérer Son esprit dans la vie et dans la culture… Ce processus, bien entendu, ne doit pas être extérieur, forcé, mais intérieur, venant du cœur, libre, s’accomplissant sous la forme d’une création autonome. Sinon, il ne correspondra pas à l’Esprit du Christ et de l’Évangile et de ce fait ne pourra se réaliser. Il ne saurait être prescrit ni par l’Église ni par l’État. Créer une culture chrétienne est possible seulement par la conversion des cœurs, et cette conversion sera obtenue manifestement par la souffrance et le désenchantement. Voilà pourquoi nombreux sont ceux parmi nous qui pensent que ce sera précisément la Russie qui, ayant dépassé les autres peuples dans la souffrance et la désillusion, sera la première à s’engager sur cette voie. »

Ces paroles du philosophe russe émigré Ivan Iline, écrites en 1951, se réalisèrent quelques années plus tard lorsque s’amorça la création de la nouvelle culture chrétienne en Russie. Aujourd’hui, nous sommes témoins d’une union merveilleuse, imaginable et humainement inexplicable de la liberté et de l’écclésialité, de la force créatrice et de l’obéissance, de la souplesse et de la sévérité. Dans l’Eglise russe renaît une force conductrice et prophétique ; l’approbation ou la condamnation par l’Église est redevenue un critère décisif pour les peintres, les poètes, les écrivains et les savants.

Ce sont les hommes les plus libres et les plus audacieux qui viennent à l’Eglise : ce sont précisément ceux qui refusent d’être les esclaves des hommes qui se font volontairement et joyeusement les serviteurs de Dieu.

Pour venir à l’église, il ne faut pas seulement la foi, mais aussi la confiance. (…) Le néophyte acceptait l’Eglise tout entière avec ses interdits, ses prescriptions, y pénétrait corps et âme. Il croyait qu’un jour s’ouvrirait à lui ce qui était encore obscur, il aimait cette vie et cette beauté nouvelles, écartant de lui aussi bien la curiosité futile que l’observation indifférente.

Je me rappelle la régénération subite et inattendue de presque tous mes amis, moqueurs, cyniques, plaisantins ou nihilistes devenus chrétiens orthodoxes. Comme leurs visages étaient maintenant sérieux, comme ils avaient rajeuni, et quelle paix intérieure apparaissaient dans leurs actions, leurs paroles, leurs sentiments.

Des savants et des écrivains allaient au monastère ou se faisaient ordonner moines secrètement en laissant derrière eux le monde, la culture et le savoir. Pour beaucoup, les mots de Rozanov se réalisaient ; à côté de l’Évangile toute la littérature mondiale semblait du foin, et, après Jésus Très Doux, toute autre nourriture était amère et fade. *En Christ, ce monde est devenu amer, justement à cause de sa douceur à Lui. A peine avez-vous goûté au Très Doux, à l’Inouï, à l’authentiquement Céleste, que vous perdez le goût du pain ordinaire… Et il est clair que ce n’est qu’en regardant attentivement Jésus qu’on peut s’adonner aux arts, à la famille, à la politique ou à la science. »

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